Une longue préparation au coin du feu

Depuis 2004 j'ai l'honneur de voler "en raid" ULM avec des amis qui partagent la philosophie : autonomie, responsabilité et fun.

Nous avons réalisé le tour de Corse, le tour de Sardaigne, et fin 2005 le choix est posé d'un raid en Croatie. Commence alors la préparation, au cours de laquelle nous nous renseignons sur les réglementations croates et slovènes, préparons l'itinéraire et tentons de nouer des contacts. Jean-François tire l'organisation et chacun l'aide comme il peut.

Passage des Alpes / aller

La météo est globalement mauvaise fin mai 2006.

Les amis ont déjà plié leur aile au vu des trombes d'eau du week-end du 20 mai. Pourtant je détecte une fenêtre mardi 23 mai qui doit permettre de passer sa majesté les Alpes. Lever 5H30, check et impression des prévisions météo pour mon dossier de vol, Eudes qui part en TGV passe chercher un sac à dos, bises aux grands qui partent pour l'école et me voilà parti en scooter à Meaux. Packing et check de la machine, faudra bien que tout rentre ! Je case environ 100 litres de bagage, en configuration solo, c'est à dire : un sac en place arrière, sac avant et une sacoche latérale (le flan droit doit rester libre pour le parachute).

Décollage 11H. Comme prévu par météo France le temps est moyen (venteux et quelques averses), mais je peux rejoindre Bellegarde en une étape de 3H02. L'accueil de Michel est chaleureux comme toujours. Refuelling de 39 litres, café, check météo, coup de fil à Jean François qui est arrivé en voiture à Busano (Nord de Turin) : ça doit passer. J'avais imaginé de passer par le col du petit St Bernard et le val d'Aoste, mais le ciel parait plus dégagé au sud : je passe par la vallée de la Maurienne et le col du Mont Cenis. 1H57 plus tard je pose à Busano, et rejoins Max, Bertrand, Jean-François, Eudes et Josiane. Crevé mais ravi.

Farniente carbonara à Turin

Mercredi 24 mai 2006, des orages sont annoncés sur la plaine du Pô. Nous restons sur place à Busano et accueillons Charly la classe et Frédéric le flamboyant, qui arrivent en remorque. Montages et vols locaux, sur Turin il fait très beau. Je retire un peu de pas à mon hélice Warp, car décidemment le pas d'origine empêche le moteur de prendre tous ses tours (pour le bruit). Les amis qui arrivent à Caposile en remorque nous confirment les orages.

Vache sur la route de Venise !

Jeudi 25 mai 2006, nous décollons à 5 pendulaires pour la base de Caposile, au nord de la lagune de Venise. Deux voitures partent avec deux remorques. Le vent est contraire, nous devrons refueller en route. Soudain Frédéric lance à la radio : "Merde, j'ai des ratés, je me vache !" Nous cerclons immédiatement à la recherche d'un waypoint tout proche qui est un campo-volo. Frédéric a actionné sa pompe à essence electrique et les ratés ont cessé. Le campo-volo est rapidement identifié et Frédéric s'y pose en premier, suivi des quatre autres. Petit campo-volo, la piste n'est pas tondue. Le fermier arrive rapidement, tandis que Frédéric et Charly inspectent le circuit d'essence du 912. Le fils du fermier tond la piste en cinq minutes, tandis que le fermier en mène certains au village pour l'essence et les sandwichs. Il a quatre-vingt trois ans, une exploitation laitière et nous dit que l'Italie "va malissima". "Prodi ou Berlusconi ?" : aucun des deux ne semble lui plaire.

Aucune anomalie décelée, l'essence circule bien, après un essai approfondi, on repart. Enfin c'est la côte Adriatique, Chioggia, et nous remontons la digue sur 30 kilomètres, jusqu'à la base de Caposile. Good feeling. Les amis nous attendent, bungalows dans un camping sur la plage Lido de Jesolo, c'est les vacances !

Pimpin et Fossile vérifient tout le circuit essence du Tanarg, et nous en venons à suspecter le petit filtre de la pompe électrique que Frédéric a montée "au cas où", filtre que Pierre Pouchès recommande formellement de retirer (trop fin et non visible en prévol, plusieurs cas d'obstruction connus). Nous le retirons. Il n'y aura plus de problème sur la suite du voyage.

Italie-Croatie : passage en ULM

Vendredi 26 mai 2006, après des vols locaux autour de la lagune le matin, nous partons sous plan de vol à 8 pendulaires. Nous avions prévenu la douane de Venise par mail depuis la France, mais au final ils ne sont pas venus nous visiter sur la base. Par ailleurs nous nous étions vus refuser le permis de voler en Slovénie pour ULM, nos machines n'ayant pas de transpondeur :-( . Notre plan de vol mentionne donc une directe Italie/Croatie, en passant par le point de report Vicky au milieu du golfe de Trieste, ...mais notre cheminement effectif "tangente" l'espace aérien Slovène. Frédéric fait la radio en anglais, il sera notre vitrine légale en Croatie, pendant qu'on babille sur 123,45 Mhz.

Le cheminement le long du golfe de Trieste est très agréable : au début la terre et l'eau sont confondues (lagunes, canaux), puis on touche une montagne type côte d'azur.

Rayco, le patron de l'aérodrome de VRSAR est prévenu de notre arrivée. Sa réputation est d'être un peu cupide, mais sa base est positivement délicieuse : très champètre, restaurant, petite douane, basse cour en liberté avec des paons, le tout proche de la mer. Au final il nous aidera à plusieurs reprises et se montre très sympathique. Nous recommandons cette étape.

Le Quik a couvert le trajet Meaux - VRSAR en 11H49 de vol à l'aller et en 11H11 au retour, soit à environ de 124 km/h de moyenne.

Bloqués à Pula par le contrôle aérien croate !

Samedi 27 mai 2006, nous projetons d'aller à Medulin, au sud de l'Istrie, petite piste avec laquelle nous avons pris contact . Rayco ne veut pas, arguant que la piste est "fermée", et qu'il nous faut aller à Losinje. Tout au long du voyage Croate, nous serons considérés comme des avions, volant sous plan de vol. Nous soupçonnons une rivalité locale et décidons de nous dérouter sur Pula en simulant le malaise d'un passager, et de là nous pourrons repartir sur Medullin pensons-nous. La première partie du plan fonctionne bien, et Eudes mime très bien la nausée ! Café, taxe d'aterrissage, mais au moment de partir, le contrôle nous refuse la destination Medulin ! Medulin est effectivement fermée pour la DGAC Croate :-(. Concialibule et nous voià bloqué de facto à Pula. Nous mettons les pendulaires à l'abri et descendons les ailes, et c'est en minibus vers un délicieux camping à Medullin.

Quelle poisse d'être considéré comme un avion : délai pour attendre que le plan de vol soit accepté, peu d'aérodromes ouverts et aucune latitude pour nous poser dans des champs ou bases privées, taxes d'atterrissage et de parking à chaque coup, beuark. La seule chose amusante est de sillonner un aeroport international lorsqu'il est désert, mais bof.

A nous les îles : Losinj

Dimanche 28 mai 2006. Résignés à ne voler que sous plan de vol, nous y déclarons une vitesse très faible afin de pouvoir batifoler en route. Ainsi nous explorons la pointe sud de l'Istrie, remontons traverser au bac de Kres, et même nous posons sur la piste d'Unije, piste 'fermée' au sens officiel croate, mais parfaite pour nous ! Baignade en bout de piste, puis nous réintégrons le plan de vol pour poser sur la 02 de Losinj.

Baignades au camping, vol local et diner sur le port : une bonne tranche de vacances sur l'ile au dauphins.

D'ile en ile jusqu'à Zadar, halte délicieuse

Lundi 29 mai 2006. Nous tenons un briefing le matin et décidons de partir au sud sans délai pour éviter une dégradation météo arrivant du nord. Nous partons donc en début d'après-midi pour Zadar, avec option de poursuite vers Sinj. Nous cheminons d'ile en ile, c'est un véritable chapelet. Le vent varie suivant l'altitude, et nous jouons aux pois sauteurs pour moduler notre vitesse sol.

Nous arrivons à 15H30 pour la grande piste militaire surchauffée et ça brasse dur à l'atterro ! Au sol le vent est de 40 km/h plus rafales et lors du long roulage nous sommes tous cramponnés à nos trapèzes, et évitons de peu le retournement.

Nous passons au final deux jours à Zadar, qui est très agréable : sourires, remparts, ruelles, étudiants, bars, cascades, et , plus exotique traces de la guerre serbo-croate de 1991(ligne du front, champs minés, traces d'obus). Le 30 mai excursion en minibus aux chutes du Krka fraiches sous l'orage..

Sinj : club et aérologie très dynamiques !

Mercredi 31 mai 2006. Nous partons tôt pour Sinj, où Toni nous attend. Départ dans du lait, mais à mesure que nous pénétrons les terres, nous touchons de fortes turbulences et dégueulantes induites par le passage sur les reliefs de la 'Bura' (vent du nord). L'aérodrome de Sinj est une ancienne école de pilotes de l'armée de l'air yougoslave, sur un site parfait pour les planeurs, et parachutistes. Le cub est désormais tenu par une poignée de jeunes très sympathiques et dynamiques, les activités sont planeur et paraplane, avec de beaux modèles construits sur place motorisés par un 125 cm3 Cagiva de 31 Chevaux (cherchent distributeurs). Ils nous gâtent : barbecue, bivouac dans les chambrées militaires, place dans les hangars. Ce sera notre étape la plus fraternelle et nous la recommandons chaleureusement. La ville est également suave : ville orientale, non touristique, café à la turque très palabre.

Omis, Brac et Hvar, beautés minérales

Nouveau briefing après les grillades, car Toni nous a consulté la météo sur Internet : une dépression sévère va s'installer alentour à compter de demain après-midi. D'ici là temps calme. Une fois de plus nous adaptons le programme à la météo : on remonte au nord demain dès l'aube, visitons la cote sous Split cette après-midi, peut-être apercevrons nous Dubrovnik à défaut de s'y poser.

La côte sous Split (Omis), les iles de Brav et de Hvar sont de toute beauté, plutôt minérale. Sur Hvar un terrain désaffecté semble parfait pour les ULM (pas de contrôle, piste en herbe). Nous sentons que c'est le bout de la route, l'on oscille entre fierté et soulagement et chacun se prend à rêver d'une suite.

Notes zoologistes : le Suisse est un animal des montagnes peu farouche qui se déplace en groupe en lançant forces blagues. Le Suisse est toujours muni d'une réserve de chocolat, qu'il distribue comme des verroteries. Les bénéficiaires sont censés verser une larme de bonheur ému quand ils reçoivent la divine plaquette.

Notes zoologistes bis : il existe des Suisses mutants, qui ont remplacé le chocolat par le vin. Ceux-là terminent leurs mails en signant : "cher ami, je vais boire un coup à ta santé" ! Nous avons toutefois compté que seules 8 bouteilles ont été offertes pendant que 24 ont été bues.

La suite du voyage croate...