Envie d'Afrique
L'image que j'ai de l'Afrique est faite d'espaces grandioses, de chaleur, de sourires, d'hospitalité, d'esprit de débrouille, de talent mécanique ("à l'Africaine"). Une certaine magie qui me semble assez "esprit ULM". La formule proposée par Stéphane Kubler et Bernard Michelena d'une semaine marocaine à 15 ULM m'a parue très esprit ULM, une logistique et des étapes partagées, mais pas "des G.O. pour les bronzés", pour un prix pas trop supérieur à celui du coût de revient d'une organisation 'en privé'. Grâce au camion Africana, 10 pendulaires peuvent être transportés de France à Casablanca, tandis que les 3 axes et les pendulaires volontaires rejoignaient en vol.
J'ai choisi de rejoindre Casablanca en vol et de faire remonter le Quik par l'organisation (retour camion pour des raisons de planning personnel).
Je pense qu'il est possible de rejoindre et voler en solo au Maroc, mais à mon goût c'est plus attrayant à 2 ULM ou une petite bande, pour partager joies et servitudes.
Préparation du voyage
Quatre questions se posent : planning, route, aspects administratifs, préparation du pilote et de l'ULM.
Planning : je bloque 1 semaine avant le rendez-vous de Casablanca, en pariant sur une ou plusieurs fenêtres météo. Départ à compter du samedi 24 mars 2007, donc.
Route : je suis très souple sur les routes, j'aime pouvoir en changer à tout moment pour prendre en compte la météo. Mon objectif est d'avoir le maximum de bases et terrains sur les cartes et dans mon GPS pour pouvoir faire une route en moins de 5 minutes. J'utilise navi, l'extraordinaire logiciel pour Pocket PC GPS de Pierre Raimond (I am a navi-gator) qui permet de créer points et routes très facilement, sur le terrain. En secours j'emporte le Garmin 12 avec lequel j'ai voyagé 2 ans, dans lequel je rentre a la mano quelques terrains significatifs (au cas où le Pocket PC tombe en rade). Avant le voyage je calibre une carte d'Espagne et vérifie les bases espagnoles de navi. Hélas, plusieurs nomenclatures des bases espagnoles co-existent sur Internet et je n'en ai qu'une partie dans navi. Nous avons rendez-vous sur une base du sud (Francavilla, mais je ne le sais pas encore) le 30 mars avec Bernard et les 3 axes, les 2 grandes options sont : vallée du Rhône puis cote méditerranéenne (Barcelone, Valence, Almeria) ou Bordeaux puis l'intérieur de l'Espagne (Madrid). Au final c'est la route côtière qui sera retenue.
Aspects administratifs : plusieurs voix m'incitent à ne pas suivre la procédure officielle basée sur une autorisation de la DGAC espagnole pour voler en Espagne : passer en silence, voler bas, contourner les CTR. De nombreuses bases ULM accueillent les ULM en Espagne, par contre a priori le controle aérien ne souhaite guère nous prendre par intermittence comme en France (contact uniquement pour clearance en traversée de zone D). Il s'agit de voler intelligent, pour ne pas perturber les autres usagers. Le passage Espagne-Maroc est légèrement plus sensible : il faut l'autorisation de voler dans le ciel Marocain (obtenu à l'avance pour les ULM du raid), et arriver à Tanger sous plan de vol. Bernard a manigancé un coup malin : le plan de vol Espagne Maroc est déposé au BRIA de Bordeaux, et une fois activé par téléphone, le contrôle aérien Marocain nous attend. Par contre nous ne parlons pas au contrôle espagnol ;-). Smart. L'autorisation d'un plan de vol Maroc-Europe est plus compliquée à obtenir, les ULMs n'étant pas bienvenus en Espagne. Les penduleux qui ont déjà passé dans ce sens racontent moultes situations omériques ! Ma crainte perso concerne plutôt un blocage à la douane lorsque je partirai en avion de ligne, si l'ordinateur des douanes marocaines suggère que j'ai revendu l'ULM avec lequel je suis rentré (comme une 504 Peugeot); au final, l'ordinateur marocain ne me soupçonnera pas, soit par non corrélation soit grâce à la déclaration de sortie en bonne et due forme effectuée à la douane de Tanger par l'organisation, merci Bassam.
Préparation du pilote et de l'ULM : j'ai volé depuis octobre 2006 sur le Quik GT 450 rouge qui a migré récemment à Persan. PetitQuik Gris m'attend fidèlement mais j'ai tardé à fixer une fissuration apparue sur son pot d'échappement Rotax. Je démonte et fais souder l'inox 3 jours avant le départ, carrément à la bourre ! Idem pour le pilote : les veilles de départ sont traditionnellement couche-tard (bagages, routes, météo, au revoir), et les premiers jours de raids me voient souvent raide de fatigue. Mon renoncement après un vol de 5 minutes samedi 24 mars pour visibilité trop réduite et pluie me permettra de partir reposé dimanche.
Compagnons de voyage : les 3 axes ont prévu un voyage éclair en 3 jours et croisent à 200 km/h. Mon plan est de les retrouver au sud de l'Espagne, j'ai prévu de voyager seul. Peu avant le départ Stéphane m'apprend que 3 pendulaires : Louis, Josette et Henry rejoindront en Casablanca en vol. Super ! Sans les connaitre je me représente que nous pourrons nous rejoindre et cheminer ensemble. Nous échangeons mails et numéros de portable. Vendredi 23 mars Louis envoie un mail pour indiquer qu'avec Josette ils avancent leur départ de Béziers à dimanche 25 pour cause de prévision météo.
Meaux -> Béziers : 750 km en 6H de vol
Dimanche 25 mars 2007. La prévision météo indique une petite fenêtre en fin de matinée pour passer le Morvan, puis du beau temps à compter de Lyon. Henry le diablotin est passé hier de Nantes à Béziers sous vent favorable et collines enneigées, et les trois mousquetaires sont à Marseillan (Béziers), chez Louis. J'attends que la visibilité s'améliore pour partir vers 10H30. Je me pose à Pont sur Yonne pour laisser se dissiper la brume de l'Yonne encore un peu. Nous plaisantons avec les ulmistes présents : quand on va à Ouarzazate, ce serait tarte de renoncer à Pont sur Yonne !
J'aime la route jusqu'à Macon car on peut cheminer en suivant la ligne TGV. La neige tapisse le Morvan, je caille bien. Je prends en photo 2 maisons d'amis en passant en Soane et Loire. Sur Cluny c'est bouché, je fais des 360° en cherchant une vache mais finalement peux me faufiler dans le vallon qui mène à Macon. La plaine de Soane est sous la brume mais le sud est plus clair. Je chemine jusqu'à Pisay, base de l'ami Gilles Plançon, où j'ai prévu de ravitailler. J'appelle sur son portable une fois posé, mais il est parti en ballade familiale. La base est déserte, aurais-je mal visé ? Heureusement Christophe Neau, gentleman ulmiste de FL125 arrive pour prendre un cours et a la gentillesse de m'emmener à une station (Merci Christophe). Ce sera l'occasion de découvrir que mon jerrican pliable est percé, et je m'asperge d'un litre d'essence pour épargner au maximum sa voiture lors du retour de la station. Cette odeur ne me quittera qu'à Villafranca !
Je repars, direction Montelimar puis Sérignan (LF3424), et touche enfin du soleil, miam miam ! La zone d'Orange est inactive et je coupe par l'Ardèche, le pied. Le contrôleur de la CTR de Béziers consent gentiment à me laisser couper un bout de son fromage, et je me pose à Serignan vers 19H. Gérard Landri m'accueille, quelle personnalité ! Je peux garer le Quik au hangar et Gérard me droppe dans une zone d'hôtels en périphérie de Béziers ville. Ne serait ce le plat lourdingue de la cafétéria adjacente, l'étape est équipée : accès wifi pour météo et nav du lendemain. Gérard est le concepteur d'un 3 axes basique ambitieux dont je découvre un prototype le lendemain. Merci de ton accueil Gérard.
Catalogne : ultraligeros sous la pluie
La météo n'est pas bonne. J'opte pour une tactique "par la mer", pour éviter de me retrouver enserré de nuages bas entre des reliefs pyrénéens. Je pense ainsi pouvoir contourner les grains et zigzaguer si besoin. Les trois mousquetaires sont à Sabadel derrière Barcelone, 220 kilomètres devant. Je décolle juste avant un grain.
Le cheminement côté France est sans problème, mais passé la frontière le mauvais temps se referme et je ne puis éviter d'y plonger. Visibilité réduite et forte pluie, je n'en mène pas large. Je me souviens des conseils de Jack Krine : dans le grain, se diriger vers la clarté. Au GPS j'arrive vertical de la première base espagnole sous la pluie, ouf. Comme cela semble dégagé plus au sud je poursuis toutefois, au GPS de base en base.
Je contourne la CTR de Barcelone par l'ouest, dans les terres, et me pose à Avinyonet, base où officie l'importateur des Bingo Savanah. J'y suis très bien accueilli par Anna, l'assistante qui tient les bureaux. Elle me mène faire de l'essence et me laisse les clés du club house, des fois que je reste bloqué ici par la pluie. Merci. Mais finalement je repars, en cheminant entre les grains. L'embouchure de l'Ebre, calme pour moi, puis Castellon (LECN), chouette aérodrome endormi en bord de mer, avec une tour de contrôle accueillante en réponse à ma question prudente : "je suis en approche, les ultraligeros français sont ils encore là ?" "No, but you are welcome, you can land !". Inhabituel et plaisant, plus le resto et la plage, étape recommandable !
La place est sympathique mais je reprends ma poursuite, les 3 mousquetaires n'ont plus qu'une heure d'avance. Passage de la CTR de Valence par la mer très bas sur l'eau. Je poursuis jusqu'à Xeraco (LE0220), petite base privée trouvée dans nav2000, qui s'avérera très fantôme. La ville est dédiée aux camions transporteurs de fruits et l'ambiance n'est pas du tout touristique ! Je passe la soirée dans un café, où les camionneurs boivent, fument et jouent au cartes, pendant qu'il pleut à verse. Je dors dans un abri dans un verger, jouxtant la base assez lugubre sous la pluie. Cette étape de 580 km n'a pas été des plus riantes à cause de la météo infâme.
Mardi 27 mars 2007. Il fait toujours mauvais. Je fais un tour agréable dans Xeraco et n'y comprends goutte : des tablées ripaillent gravement à 9H du matin dans les bars !? Les gens sont souriants, bruyants et semblent très gentils. Je prends un petit déjeuner, fais une toilette symbolique, guette la météo TV puis me traine jusqu'à la station essence avec deux bidons louches trouvés dans ma cabane. Retour en taxi, le taximan est peu joyeux de porter un crado avec 2 bidons d'essence crados sur 2 kilomètres. Personne ici ne semble connaitre la base ULM, qui appartient en fait à un dentiste qui vole très peu. Par téléphone portable les 3 mousquetaires m'indiquent rester à Alicante : "météo trop pourrie". En fin de matinée une eclaircie me permet de décoller pour Muchamiel.
Alicante : longues parties d'aranciata
Muchamiel (LEMU ou LE0259 dans nav2000) est un aérodrome plein d'activité, avec plusieurs ateliers professionnels, une école d'hélicoptères un bar restaurant, et une petite compagnie aérienne régionale. En tant qu'ULMs nous avons été bienvenus. Carlos, président de l'aeroclub nous prend sous son aile, nous aidant beaucoup durant les 2 jours de notre séjour : explications, essence, convoyage en ville, présentation à un mécanicien avion, hangar, météo.
Carlos me mène à l'hotel qu'ont choisi les mousquetaires, ils m'accueillent gentiment et nous sympathisons rapidement. Henry le diablotin nous fait visiter Alicante, hop le quartier juif, hop la croisette. La ville transpire la bonne santé, Carlos nous raconte les nombreux européens qui viennent s'installer pour la retraite, l'extension continue de la ville, les prix de l'immobilier qui grimpent ; il dit que les espagnols vivent bien, et ont connu une croissance forte depuis 40 ans.
Nous allons à l'aérodrome le lendemain mercredi, avec nos sacs, prêts à partir, mais la météo ne le permet pas. J'en profite pour faire une révision dans un atelier aéro tenu par un hollandais : changement des bougies, soudure du pot, vérification de l'équilibrage de l'hélice. Carlos nous ramène en ville le soir, après cette journée sur l'aérodrome. Il nous donne des conseils pour traverser les zones espagnoles en ULM ; pleins de bon sens, tous ne respectent pas la réglementation : voler très bas (au niveau des palmiers) quand on croise les seuils de piste des grands aérodromes, ouvrir l'oeil...Certains des 4 mousquetaires se trouvent légitimés... Nous trainons dans Alicante by night, mais je n'ai toujours pas compris à quelle heure il convient de diner...
Le lendemain matin jeudi 29 mars sur le tarmac nous sommes motivés, car il faut être au rendez-vous à Villamartin : on part entre deux averses. Gasp, mon jack de headset Alphatec a un fil dessoudé, je retourne au hangar et fait souder ce jack 'en urgence'. Je décolle donc 10 minutes après les 3 mousquetaires, à défaut de la vue on est en contact radio. Ca turbule sévère et on reste bien concentré (on serre les fesses). On suit des routes parallèles, et le groupe se retrouve à Garrucha, l'étape prévue. Nous tournons autour du point GPS mais aucun des 4 ne voit le moindre terrain. Henry qui a roulé sa bosse par là a souvenir d'une piste non loin, nous décidons de repartir pour la chercher. Après 5 kilomètres, on découvre par hasard une piste ulm en dur ! Il s'agit de l'aeroclub de Vera (tel 607 316 553), tenu par un couple nordique, avec camping, gite, hangar, voiture à disposition à louer, le top ! ! Nous partons avec la voiture faire les remplissages de benzine et nourriture.
Henry théorise sur les menu del dia et les crottes de nez, Louis raconte qu'il se sent mentalement 35 ans, et Josette son tour de Métropole speed pour remettre à neuf (rafistoler?) son gentil pendulaire girondin. Nous sommes très contents.
De retour au club, le gentil pendulaire girondin refuse de démarrer (plus de lanceur manuel, le pignon du démarreur qui décroche, mais en plus le moteur ne craque pas..). Nous bouillons dans nos combinaisons. Le boss de la plateforme sauve la mise après 30 minutes, au start pilot, batterie auto et cables. Ci dessous la troisième vignette pointe vers un film présentant un démarrage Foulny-ordinaire (à l'hélice) (12 Mo, sera compressé ultérieurement).
Suite du trajet Paris - Casablanca